L’Encyclopédie numérique des couleurs
Scientia universalis

The Digital Encyclopedia of Colors. Scientia universalis

Ramzi TURKI

Résumé

L’encyclopédie numérique des couleurs — ENC — est un projet scientifique international. Il est à la fois un guide chromatique et une source de références qui répartit les couleurs en teintes majeures. Il s’agit de concevoir une encyclopédie multidisciplinaire : Arts (architecture, arts plastiques, cinéma design, musique, etc.), sciences de l’Homme et de la Société (sémiologie, symbolique, marketing, ethnologie, Sciences cognitives, sciences du langage, sciences de l’éducation, etc.), sciences (chimie, intelligence artificielle, neurologie, biologie, psychothérapie, etc.) décodant les concepts en jeu selon des rubriques se basant sur des thèmes bien déterminés. Chaque couleur sera développée dans un texte (article scientifique court). En optant pour une mise en réseau dynamique, sous la forme d’un work in progress, ce projet multilingue consiste à étudier 2536 couleurs dans un contexte scientifique universel.

Abstract

The digital encyclopedia of colors -ENC- is an international scientific project. It is both a chromatic guide and a source of references which divides the colors into major hues. It is a question of designing a multidisciplinary encyclopedia: Arts (architecture, plastic arts, cinema design, music, etc.), sciences of Man and Society (semiology, symbolism, marketing, ethnology, cognitive sciences, sciences of language, education sciences, etc.), sciences (chemistry, artificial intelligence, neurology, biology, psychotherapy, etc.) decoding the concepts involved according to headings based on well-defined themes. Each color will be developed in a text (short scientific article). By opting for dynamic networking, in the form of a work in progress, this multilingual project consists of studying 2536 colors in a universal scientific context.

Présentation de l’ENC

L’Encyclopédie Numérique des Couleurs (ENC) est un projet collaboratif et évolutif en ligne qui vise l’étude des couleurs dans différentes disciplines. Elle a pour but d’accueillir les savoirs sur les couleurs en respectant la pluralité des approches. Elle se présente à la fois comme un guide chromatique et comme une source de références qui répartit les couleurs en teintes majeures. Chaque couleur est présentée à travers son histoire, ses significations, ses dimensions sociétales, ses nuances avec un vocabulaire qui lui est propre. Elle est également repérée par un ordre formel et des codes couleurs (RVR, CMJN, HTML, etc.), et documentée par ses étymologies et accompagnée le cas échéant de schémas. Elle est ainsi développée dans des articles scientifiques qui sont classifiés en rubriques supervisées par des experts internationaux.

Dans le « souci de classer les connaissances humaines » (Pinault, M., 1993), l’ENC s’ouvre à la multidisciplinarité : Arts, Histoire, littérature et sciences pour distinguer certains concepts relatifs à chaque champ de recherche. C’est pourquoi nous allons tracer, à partir de ces croisements, des réflexions prospectives sur certaines thématiques essentielles dans l’expérience humaine. Plusieurs articles et ouvrages de grande qualité ont été publiés sur la question des couleurs à savoir sur la constance des couleurs, le système visuel, l’art des couleurs, les symboliques, la chromothérapie. L’ambition de l’ENC est donc de tisser un réseau permettant de fonder une plateforme qui réunit les capacités individuelles des auteurs afin d’atteindre des objectifs communs et d’élaborer une dynamique scientifique collective. Cette structuration arborescente a vocation à s’amplifier, par la création d’autres rubriques. À partir d’une couleur précise, le « lecteur » pourra avoir accès (libre et gratuit) à plusieurs articles scientifiques courts ou documents pouvant être essentiels pour les chercheurs (libre de droits). L’ambition de l’ENC est de documenter la couleur selon une perspective ouverte, en work in progress, tissant un réseau de partenariat et de recherche en intégrant de nouvelles et de nouveaux chercheurs. Elle se veut aussi outil pédagogique et expérimentation des atouts du numérique. Elle s’impose ainsi comme un « chantier sans maître » (Caye, P., 2009), c’est-à-dire qu’elle devient un dispositif d’actionnement qui fonctionne automatiquement par des bases de données d’expérimentations et d’articles multidisciplinaires qui ne s’achèvent pas ni dans le temps ni dans les lieux comme l’écrit Pastoureau « C’est aussi une notion dangereuse qui fait croire qu’il existe des universaux et que les couleurs revêtent les mêmes significations dans le temps et dans l’espace. » (Pastoureau, M., 2017)

En dépassant l’organisation linéaire du contenu scientifique, les hyperliens internes de l’ENC contribuent au croisement des liens et des relations entre plusieurs concepts relatifs à diverses disciplines. Ils sont mis en place pour développer davantage l’interdisciplinarité et pour extraire des intersections terminologiques de cette plateforme multilingue. Cette structure en réseau, en matière d’écriture scientifique, permet, en premier lieu, aux lecteurs d’avoir un accès plus efficace aux données et à la collecte des informations, en second lieu, elle permet aux auteurs, par cette forme de navigation interne, d’observer, d’interpréter et d’ouvrir par leurs contributions de nouveaux horizons touchant aux grands défis sociétaux contemporains dans les domaines de la chimie, la biologie, l’intelligence artificielle, la thérapie, la psychiatrie, le marketing, la neurologie.

Ce qui caractérise un travail work-in-progress que certaines recherches auront hypothétiquement recours à diverses méthodologies en s’inspirant de certains technologies et procédés ou encore matériels et méthodes. C’est ainsi que l’ENC évolue dans plusieurs domaines d’une façon permettant de montrer la continuité entre l’observation et l’expérimentation étendue à des temps et cultures différents. En s’appuyant sur cette complémentarité, ce projet se développe à la faveur de l’« universalité de la science ». Il devient ainsi une « œuvre scientifique » en constante transformation interculturelle réunissant des études sur le symbolisme des couleurs d’une société à l’autre ce qui nous mène à l’idée de Couloubaritsis et Wunenberger sur l’universalité de « l’usage symbolique de la couleur » (La couleur, 1993 : p.5).

Une idée qui se formalise

Les brainstormings que moi-même et Cécile Croce avons organisés avec des chercheurs spécialisés nous ont amenés à constater deux volets fondamentaux des couleurs ; le premier consiste à explorer les langages de la couleur qui renvoient à des approches réceptives-perceptives à savoir esthétique, thérapeutique, psychologique, historique donc à des langages visuels et sensoriels, le second consiste à considérer la couleur comme un agglutinant (physique et chimique) d’un point de vue moléculaire, relatif à des composés inorganiques, tels que les pigments minéraux ou les composés organiques, ou encore la physique de la couleur.

Après avoir collecté avec notre équipe de recherche environ 2539 noms de couleur et les brainstormings organisés entre les deux équipes LLTA et MICA — puis avec l’équipe NUPPE de l’université d’Uberlândia — le champ de cette encyclopédie s’est élargi en proposant de rassembler des connaissances éparses autour de la couleur. C’est ainsi que nos objectifs scientifiques, didactiques, thérapeutiques et culturels consistent à :

    • Rassembler les données concernant : la désignation, la chromatique, les caractéristiques et les attributs des couleurs.

    • Collecter toute la symbolique des couleurs universellement.

    • Cerner les différents scénarios inhérents aux couleurs et établir des correspondances.

    • Répertorier les pratiques thérapeutiques actuelles des couleurs.

    • Créer une base de données.

Ces objectifs permettent de déterminer, dans des champs littéraires, historiques et scientifiques, la cohérence en agencement des couleurs en fonction des différentes civilisations et d’exposer, dans les champs artistiques, des données sur les manières de rassembler et les techniques d’exploiter et de mélanger les couleurs. Ce recours fréquent à des pratiques artistiques numérisées donne une image concrète et rend l’ENC plus accessible. C’est ainsi que nous dévoilons un imaginaire collectif qui se donne à voir comme un processus de relativité esthétique et étymologique. Il permet d’expliciter à travers des pratiques artistiques le sens et de souligner les différentes connotations prises par une couleur au cours de son « évolution historique ».

De la triade : couleurs physiologiques, couleurs pigment et couleurs lumière à une plateforme universelle des sciences des couleurs

Comme l’indique le cercle chromatique, toute l’histoire des couleurs balance entre sciences et arts. De Robert Fludd puis Isaac Newton à Charles Blanc passant par Chevreul, Hering, Munsell, Charles Henry, la couleur se présente comme véritable champ de recherche qui permet le croisement entre la littérature, les sciences et les arts. Ces approches nous poussent à revoir les couleurs d’une façon plus ouverte, selon des interactions entre les milieux scientifiques et les milieux artistiques et qui sont confinés à des rapprochements empiriques réunis dans un seul espace matriciel.

L’exploration scientifique des couleurs est relativement liée à trois logiques : couleurs physiologiques, couleurs-pigment et couleurs-lumière (Bobin J., La couleur : p.126). Ces rapports enrichissent la quête encyclopédique en joignant la couleur à sa composition, à sa perception et à son imagination. Diverses suggestions dérivées, en fonction des recherches effectuées, de cette triade, apparaissent d’une manière explicite aux navigateurs. Elles permettent de faire avancer les recherches et de découvrir les richesses de ce langage visuel.

L’aspect numérique de l’encyclopédie permet la diffusion des articles scientifiques et l’échange des savoirs. Cette mise en réseau que constitue l’espace virtuel en ligne permet le développement du contenu forme un « réseau pensant » (Fischer, H., 2015). C’est-à-dire, que les formes de reprise des contenus, des publications ou encore de la restructuration en s’appuyant sur des recherches et des résultats multinationaux permettent à l’encyclopédie de s’enrichir. Le conseil scientifique de l’ENC accorderait cette attention tournée vers une intelligence mouvante qui permet d’intégrer les savoirs dans une forme dynamique. Il s’agirait alors d’aménager cette plateforme selon des champs bien étudiés, des rubriques bien poussées et des contenus solides provenant de sources fiables que ce soit au niveau du comité scientifique de la rubrique ou au niveau des organismes de recherche impliqués. L’ENC sera donc orchestrée selon des principes et des méthodes scientifiques rigoureux et exigeante, en vérifiant, traitant, évaluant, traduisant pour obtenir des résultats fiables.

À ce compte, l’ENC est ouverte à tisser des liens durables avec des partenaires scientifiques internationaux intégrant des experts, des chercheurs, des universitaires et des spécialistes dans des approches ouvertes à l’universalité.

Bibliographie

  • Caye, P. (2009). Le chantier sans maître. L’Encyclopédie et la question de la technique. Dix-huitième siècle, 41, 449-467. https://doi.org/10.3917/dhs.041.0449
  • Couloubaritsis, L. et Wunenberger, J-J. (1993), La couleur. Bruxel : Oussia, 384 p.
  • Fischer, H. (2015). À l’âge du numérique, l’émergence de la « conscience augmentée ». Sociétés, 129, 63-71. https://doi.org/10.3917/soc.129.0063
  • Leca-Tsiomis, M. (2020). L’Encyclopédie et Diderot : vers de nouvelles attributions d’articles. Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 55, 119-133. https://doi.org/10.4000/rde.6810
  • Michel Pastoureau et l’imaginaire des couleurs. La Géographie, 1567, 12-15. https://doi.org/10.3917/geo.1567.0012
  • Pinault, M. (1993). L’Encyclopédie. Paris : PUF. 128 p.
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