Intelligence Artificielle et Chromothérapie

Artificial Intelligence and Chromotherapy

Yousri KESSENTINI, Ali WALI, Nada CHARFI et Ramzi TURKI

Résumé

Cet article examine les réflexions et les considérations entourant l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la chromothérapie. La chromothérapie, qui utilise les couleurs pour influencer les énergies corporelles et émotionnelles, a longtemps dépendu de l’expertise humaine et de l’interprétation subjective. Nous explorons comment l’IA pourrait apporter des améliorations potentielles à cette approche. Nous abordons la nécessité de concevoir des systèmes d’IA capables de comprendre les nuances de la chromothérapie et de personnaliser les traitements en fonction des besoins individuels. Les considérations relatives à la collecte de données, au prétraitement et à l’utilisation d’algorithmes spécifiques sont également abordées. En conclusion, cet article met en lumière les réflexions clés concernant l’avenir de la chromothérapie avec l’intelligence artificielle en tant que catalyseur de changement potentiel. Il propose une vision de la manière dont l’IA peut influencer positivement cette discipline en élargissant ses horizons et en améliorant la personnalisation des traitements.

Abstract

This article examines the thoughts and considerations surrounding the integration of artificial intelligence (AI) into the field of color therapy. The chromotherapy, which uses colors to influence bodily and emotional energies, has long depended on human expertise and subjective interpretation. We explore how AI could provide potential improvements to this approach. We address the need to design AI systems that can understand the nuances of color therapy and personalize treatments based on individual needs. Considerations for data collection, preprocessing, and the use of specific algorithms are also discussed. In conclusion, this article highlight key thoughts regarding the future of color therapy with artificial intelligence as a potential catalyst for change. It offers a vision of how AI can positively influence this discipline by broadening its horizons and improving the personalization of treatments.

La chromothérapie, également connue sous le nom de thérapie par les couleurs, est une pratique thérapeutique qui utilise les différentes couleurs pour favoriser la guérison et le bien-être. Elle repose sur le principe que chaque couleur a une énergie spécifique qui peut influencer notre corps, notre esprit et nos émotions. Cependant, malgré son potentiel, la chromothérapie est confrontée à un défi majeur : l’absence de personnalisation des traitements en fonction des besoins individuels. C’est ainsi que la thérapie par la couleur repose sur une hypothèse non prouvée que certaines couleurs peuvent avoir un impact sur l’état psychologique des humains. L’association des couleurs aux différentes émotions, étudiée en 2020 sur 4598 personnes de 30 pays différents, a révélé que les gens associent couramment certaines couleurs à des émotions spécifiques (Jonauskaite D., Abu-Akel A., Dael N., et al.,2020). 51% des participants, par exemple, ont associé la couleur noire à la tristesse, alors que 68% ont associé la couleur rouge à l’amour. Les résultats obtenus indiquent que les associations couleur-émotion semblent avoir des qualités universelles.

L’état émotionnel de l’être humain peut être mesuré/identifié à travers les signaux d’électroencéphalographie (EEG) du cerveau. Certains travaux de (Salama, E.S.; El-Khoribi, R.A.; Shoman, M.E.; Shalaby, M.A.E, 2018) (Yang, H.; Han, J.; Min, K. A,2019) (Moon, S.-E.; Jang, S.; Lee, J.-S., 2018) ont proposé d’utiliser des techniques de l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond pour la reconnaissance de l’émotion à partir des signaux EEG. Yang, H.; Han, J.; Min, K. (2020) ont étudié et ont montré que l’émotion provenant des contenus visuels peut varier en fonction du contrôle du contraste des scènes figurant dans les contenus visualisés. Dans ce travail, trois catégories d’émotions (positive, neutre et négative) ont été considérées. Pour cette étude, un module de reconnaissance d’émotion basé sur les signaux EEG a été utilisé. L’apprentissage de ce module est fait sur la base de données DEAP (Koelstra, S.; Muhl, C.; Soleymani, M.; Lee, J.; Yazdani, A.; Ebrahimi, T.; Pun, T.; Nijholt, A.; Patras, I. DEAP, 2012). Cette base de données est composée de signaux EEG capturés à partir de 32 participants (chaque participant répète 40 les expérimentations).

En plus des différents effets des couleurs sur l’émotion, les troubles psychologiques sont également un facteur conducteur dans les préférences de couleurs. Plusieurs études ont investigué la relation entre les préférences en matière de couleur et certains troubles mentaux comme l’anxiété, la dépression, la schizophrénie. Dans les travaux de Tao, B., Xu, S., Pan, X., Gao, Q., & Wang, W. (2015) par exemple, il a été démontré que les patients atteints de schizophrénie préfèrent moins le vert, mais plus le marron, alors que les personnes saines préfèrent la couleur verte. Ces résultats suggèrent que les patients atteints de schizophrénie devraient être plus exposés aux couleurs vives comme le vert et le blanc, et moins aux couleurs sombres comme le noir, pendant les séances de thérapie et de réhabilitation. Dans Anxiety and color saturation preference. Percept Mot Skills (1992) Ireland SR, Warren YM, Herringer LG., ont montré que les individus présentant un niveau élevé d’anxiété préfèrent les couleurs ternes en comparaison avec les individus ayant une faible anxiété et ce résultat était lié à la non-préférence des individus anxieux pour les couleurs brillantes en raison des effets stimulants de ces couleurs. Dans une autre étude (Post-traumatic stress disorder and color preference in released prisoners of war. Studia Psychologica, 2007) ont montré que les personnes diagnostiquées avec un trouble de stress post-traumatique (PTSD) préfèrent la couleur verte à la couleur rouge.

Korkmaz, S., Özer, Ö., Kaya, Ş., Kazgan, A., & Atmaca, M. (2016) ont également étudié les préférences de couleur pour les malades mentaux. Trois troubles mentaux ont été considérés : anxiété, dépression et impulsivité. Les couleurs ont été divisées en trois groupes : les couleurs froides (bleu, violet, vert), les couleurs chaudes (rouge, jaune, rose, brun) et les couleurs neutres (noir, blanc, gris). Ce travail a démontré que les scores d’impulsivité ont été trouvés chez ceux qui préféraient le plus les couleurs jaune, bleu, noir et violet. Il a été également identifié que les couleurs noires, blanches et grises (couleurs neutres) peuvent être liées à des niveaux d’anxiété élevés, alors que la couleur rose est liée à de faibles niveaux d’anxiété. Ainsi, la dépression était la plus élevée chez les participants qui préféraient la couleur grise. La collecte des couleurs préférées peut être effectuée de deux manières différentes : soit en demandant directement aux personnes concernées la liste de leurs couleurs préférées Tao et al. (2015), Bobic al. (2007), Korkmaz et al. (2016), soit en analysant les peintures et dessins réalisés par ces personnes (Shen, H., Wang, S. H., Zhang, Y., Wang, H., Li, F., Lucas, M. V., … & Yuan, T. F. ,2021) et (Farokhi, M., & Hashemi, M. ,2011). Il est à noter que les différences culturelles ont un impact majeur sur les préférences des couleurs chez les personnes. Les travaux de Jonauskaite, D., Wicker, J., Mohr, C., Dael, N., Havelka, J., Papadatou-Pastou, M., … & Oberfeld, D. (2019) se sont focalisés sur la relation entre les couleurs et les émotions d’une part et les similarités de ces relations entre différentes cultures. Une étude a été menée sur 711 participants de 4 pays différents : Chine, Allemagne, Grèce et Royaume-Uni et a montré que les associations couleur-émotion sont, dans une certaine mesure, spécifiques au pays.

Dans ce cadre, on vise à combler le fossé entre l’utilisation standardisée des couleurs en chromothérapie et la variabilité des réponses individuelles, en exploitant les capacités de l’IA pour analyser les données cliniques, émotionnelles et physiologiques.

La chromothérapie au service de la santé

La chromothérapie, ou la thérapie par les couleurs, est l’une des techniques de médecine alternative. Elle peut être indiquée dans plusieurs états pathologiques, aussi bien somatiques que psychologiques. Dans le domaine de la santé mentale, les bienfaits de cette technique sur l’anxiété et la dépression ont été décrits. La problématique à résoudre est donc la suivante : comment intégrer efficacement l’IA dans la chromothérapie pour une personnalisation optimale des traitements, afin de maximiser les bienfaits thérapeutiques pour chaque individu ? Cette question implique plusieurs défis complexes à relever.

Tout d’abord, il est nécessaire de collecter des données sur les réponses individuelles aux couleurs, en mesurant les paramètres physiologiques, les réactions émotionnelles et les évaluations subjectives des patients. Ces données doivent être intégrées dans un système d’apprentissage automatique afin de créer des modèles prédictifs précis pour comprendre comment chaque individu réagit aux différentes couleurs.

Méthodologie de l’Utilisation de l’IA en Chromothérapie

L’intégration réussie de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la chromothérapie repose sur une méthodologie cohérente et structurée. Cette section décrit les principales étapes méthodologiques qui sous-tendent notre réflexion sur l’application de l’IA à la chromothérapie. La collecte de données constitue la première étape cruciale. Les données peuvent être extraites de diverses sources, telles que des études cliniques, des dispositifs de capture de couleurs, des rétroactions de patients ou des bases de données existantes. Il est impératif que ces données reflètent la diversité des patients et des conditions médicales.

Le prétraitement des données est essentiel pour garantir la qualité et la cohérence de l’information. Cette étape comprend la normalisation des couleurs, la réduction du bruit, la résolution des ambiguïtés et la mise en forme des données pour les rendre adaptées à l’apprentissage des modèles. Le choix de l’algorithme d’IA dépend de la nature des données et des objectifs spécifiques de la chromothérapie. Les réseaux de neurones profonds ainsi que les méthodes de traitement du langage naturel (NLP), peuvent être adaptés pour analyser les couleurs et les réponses des patients. Le type d’apprentissage, qu’il soit supervisé, non supervisé ou par renforcement, est déterminé en fonction des exigences de la tâche. Enfin, l’évaluation des performances des modèles d’IA est cruciale pour mesurer leur efficacité. Les méthodes d’évaluation doivent être choisies en fonction des objectifs spécifiques, tels que la prédiction des couleurs de traitement, la personnalisation des séances de chromothérapie, ou d’autres critères pertinents.

Cette méthodologie établit la base de notre réflexion sur l’application de l’IA à la chromothérapie, offrant un cadre structuré pour aborder cette exploration et évaluer son potentiel impact.

Conclusion

Cette recherche consiste à développer une base de données au sein de L’ENC en appliquant une approche basée sur l’intelligence artificielle (IA) pour optimiser la chromothérapie et en personnalisant les traitements en fonction des démarches empiriques relatives à chaque couleur. Nous essayons donc de concevoir des systèmes d’IA capables de comprendre les nuances de cette thérapie basée sur les couleurs et de personnaliser les traitements en fonction des besoins individuels. La méthodologie décrite ici, de la collecte de données au choix d’algorithmes d’IA adaptés, offre un cadre pour explorer l’impact potentiel de l’IA dans la chromothérapie.

Les avantages de l’IA dans ce contexte sont prometteurs. La capacité de modélisation des couleurs et des réponses individuelles pourrait conduire à des traitements plus efficaces et à une meilleure adaptation aux besoins des patients. Cependant, il est également essentiel de reconnaître les défis et les limites, notamment la nécessité de données de haute qualité, l’interprétabilité des modèles, et la question de l’éthique dans l’utilisation de l’IA en santé.

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