Si la perception a de fait un rapport si intime avec les choses colorées, défaisant même la dualité sujet-objet, il faut s’attendre à ce qu’elle affecte à son tour en profondeur le sujet. Car avant d’être subsumées sous un concept et un mot, les couleurs, pures ou mélangées, nous touchent dans notre sensibilité, ont une résonance intérieure qui va bien au-delà du pouvoir d’un objet à nous émouvoir, à incliner nos sentiments.
Couleur sensible, corps, langage
Alors que la couleur a été longtemps rattachée à une idée, au bénéfice de la forme, elle va à partir du XVIIe siècle devenir un mode de manifestation privilégié de l’être perçu et même une sorte de dimension originaire de toute manifestation.
La dimension esthétique de la perception de la couleur
La coloration des choses est un des facteurs de l’expérience esthétique en général ; elle nous fait comprendre à travers l’approche phénoménologique comment la perception n’est plus alors simple objectivation d’une qualité sensible, mais source d’une expérience qui ouvre la couleur sur un chiasme entre le dedans et le dehors, qui dépasse l’opposition entre le sujet et l’objet.
Problèmes philosophiques de la couleur
Le phénomène des couleurs s’est retrouvé au cœur de nombreuses problématiques philosophiques contemporaines. Ce recentrage est sans nul doute le résultat d’un changement de paradigme épistémique de la pensée, qui a échangé la position monarchique de l’activité intellectuelle contre celle de la sensibilité et de l’affectivité.
Le colorique et la poétique des couleurs chez Empédocle
L’approche physique est aujourd’hui prégnante sur la métrique, les standards et les conceptions de la couleur ; en ce sens considérer sa relation à la matière pourrait être assimilé à un archaïsme, à un avatar des antiques couleurs envisagées en tant que matière du monde. Père de la théorie des effluves et de celle des quatre éléments, le présocratique matérialiste Empédocle d’Agrigente en serait l’une des figures.
Le Gris
Sous son apparence festivalière bariolée, « stone », le monde contemporain est gris. Le gris est la couleur que prend le monde à la fin de l’histoire. Celle-ci s’achève le 14 octobre 1806 à Iéna, avec la victoire de Napoléon, dans laquelle Hegel reconnaît l’épiphanie de Dieu, qui fait rayonner le principe fondamental de la Révolution française, selon lequel tous les hommes naissent libres et égaux en droits.